Akanthas, recyclage des batteries

Les batteries sont des éléments essentiels pour le développement de la mobilité électrique et du stockage de l’énergie renouvelable. Elles contiennent également des métaux stratégiques et critiques, dont l’approvisionnement est soumis à des risques géopolitiques et environnementaux. Le recyclage des batteries usagées est donc un enjeu majeur pour la transition écologique et l’autonomie industrielle de l’Europe.

Dans ce contexte, l’Union européenne a adopté en juillet 2023 un nouveau règlement sur les batteries et les déchets de batteries, qui vise à renforcer les exigences en matière de performance, de durabilité, de traçabilité et de recyclage des batteries. Ce règlement remplace la directive 2006/66/CE, qui était jugée obsolète et insuffisante face aux évolutions technologiques et aux besoins du marché.

Quelles sont les principales dispositions de ce nouveau cadre réglementaire ? Quelles sont les implications pour la filière du recyclage des batteries en France ? Quelles sont les opportunités et les défis à relever pour les acteurs français du secteur ? Cet article vous propose un tour d’horizon des principaux points à retenir.

Un règlement trop ambitieux ?

Le règlement (UE) 2023/1542 couvre tout le cycle de vie et toutes les catégories de batteries, qu’elles soient destinées aux véhicules électriques, aux outils portatifs, aux systèmes stationnaires ou aux appareils électroniques. Il introduit des normes harmonisées au niveau européen pour garantir la qualité, la sécurité et la performance des batteries, ainsi que leur compatibilité avec le marché intérieur.

Objectifs & normalisation

Le règlement fixe également des objectifs progressifs pour réduire l’impact environnemental des batteries, notamment en termes d’émissions de CO2, de consommation d’énergie, de teneur en matières recyclées et de recyclabilité. Il prévoit en outre la création d’un “passeport batterie”, qui permettra notamment à terme aux utilisateurs de changer plus facilement les batteries de leurs appareils, réduisant ainsi drastiquement la mise au rebut de leurs appareils jugés défectueux à tord.

Obligations de recyclabilité

Enfin, le règlement renforce les obligations des producteurs, des importateurs, des distributeurs et des utilisateurs finaux de batteries en matière de collecte, de tri, de traitement et de valorisation des déchets de batteries. Il fixe des objectifs minimaux de rendement de recyclage et de taux de récupération des métaux contenus dans les batteries. De plus, il instaure également un système d’éco-modulation des contributions financières versées par les producteurs aux organismes agréés chargés du recyclage des batteries.

Le recyclage des batteries : quelles opportunités pour la filière ?

Le nouveau règlement européen sur les batteries représente une opportunité pour la filière française du recyclage, qui dispose déjà d’un savoir-faire reconnu et d’une capacité de traitement importante. Selon l’ADEME, la France recycle actuellement environ 15 000 tonnes par an de batteries usagées, soit près du tiers du volume européen. Elle compte plusieurs acteurs majeurs du secteur, tels que Suez, Veolia, Eramet ou encore SNAM.

Les premiers pas d’une économie circulaire des métaux stratégiques

Akanthas, recyclage des batteries

Le règlement va stimuler la demande en matières premières secondaires issues du recyclage des batteries, notamment le cobalt, le nickel, le lithium ou le cuivre. Ces métaux sont essentiels pour la fabrication de nouvelles batteries, mais aussi pour d’autres applications industrielles stratégiques. Le règlement prévoit en effet un calendrier pour l’intégration progressive de matières recyclées dans les nouvelles batteries produites ou mises sur le marché dans l’UE.

Le règlement va également inciter les recycleurs à développer des procédés innovants et performants pour extraire ces métaux en qualité très pure, dite “qualité batterie”. Ces procédés devront respecter les exigences environnementales du règlement, notamment en termes d’efficacité énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre. Ils devront aussi s’adapter aux évolutions technologiques des batteries, qui peuvent modifier la composition chimique et la conception des cellules.

Les principaux acteurs du recyclage spécialisés en France

  • Eramet, un groupe minier et métallurgique français, qui se positionne à la fois comme fournisseur de métaux (lithium, cobalt, nickel) pour la fabrication de batteries et comme acteur du recyclage des batteries lithium-ion usagées. Eramet est partenaire du projet ReLieVe, qui vise à développer un procédé innovant pour recycler les batteries des véhicules électriques.
  • Suez, un groupe français spécialisé dans la gestion de l’eau et des déchets, qui propose des solutions de collecte, de démantèlement et de valorisation des batteries usagées.
  • Veolia, un autre groupe français leader dans la gestion de l’eau et des déchets, qui dispose d’une expertise dans le recyclage des batteries au plomb et au nickel-cadmium. Veolia a récemment annoncé son entrée sur le marché du recyclage des batteries lithium-ion, en s’associant avec la société allemande Solvay.
  • STCM, un acteur historique du recyclage des batteries au plomb en France, qui a décidé de se diversifier dans le recyclage des batteries lithium non-critiques. STCM a ouvert en 2020 un centre de collecte et de stockage des batteries lithium usagées à Saint-Quentin-Fallavier.
  • SNAM, une société française spécialisée dans le recyclage des batteries nickel-hydrure métallique et lithium-ion issues de l’industrie et de la mobilité. SNAM dispose d’une capacité annuelle de traitement de 10 000 tonnes de batteries usagées sur son site de Viviez.

Production et consommation de batteries en UE : quelle est la part de la France ?

En France, environ 1,3 milliards de piles et accumulateurs sont mis sur le marché chaque année, représentant plus de 270 000 tonnes, et chaque Français utilise en moyenne une vingtaine de piles ou batteries chaque année. Piles et accumulateurs portables, qui sont les plus courants, ne représentent que 15 % du tonnage total, le reste étant constitué par les piles et accumulateurs automobiles et industriels. La collecte des piles et petites batteries usagées est assurée par des organismes agréés, comme Corepile, qui a collecté plus de 10 000 tonnes en 2021, soit un taux de collecte de 48,1%.

Dans l’Union Européenne, la quantité totale de piles et accumulateurs mis sur le marché était de 1,3 million de tonnes en 2019, dont environ 200 000 tonnes de piles et accumulateurs portables. La quantité totale de déchets de piles et accumulateurs collectés dans l’Union européenne était de 214 000 tonnes en 2019, dont environ 160 000 tonnes de piles et accumulateurs portables.

Des défis à relever pour la filière française du recyclage

Le nouveau règlement européen sur les batteries pose également des défis à la filière française du recyclage, qui devra se préparer à faire face à une augmentation significative du volume de batteries usagées à traiter. Les capacités de recyclage françaises et européennes actuelles seront insuffisantes dès 2027 et devront être multipliées par trois à cette date, pour atteindre un besoin de l’ordre de 50 000 tonnes par an selon l’ADEME. Cependant, les synergies à développer entre acteurs, publics et privés, sont renforcées de fait par la mise en place de la loi AGEC.

La filière devra également se conformer aux objectifs ambitieux fixés par le règlement en matière de rendement de recyclage et de taux de récupération des métaux. Ces objectifs sont exprimés en pourcentage du poids des batteries, et varient selon les catégories de batteries et les métaux concernés. Par exemple, le règlement impose un rendement de recyclage de 70 % pour les batteries lithium-ion d’ici à 2030, ainsi qu’un taux de récupération de 95 % pour le cobalt, le nickel et le cuivre, et de 70 % pour le lithium.

L’industrie européenne fera également face à la concurrence internationale, notamment des pays asiatiques, qui disposent d’une forte capacité de production et de recyclage des batteries. Le règlement prévoit des mesures pour protéger le marché européen, telles que l’instauration de normes minimales pour les batteries importées, ou la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Il prévoit également des mesures pour dissuader la délocalisation du recyclage hors de l’UE, comme l’obligation de déclarer l’exportation des déchets de batteries ou la possibilité d’imposer des restrictions à l’exportation.

Pour conclure, le nouveau règlement européen sur les batteries est un texte important, qui vise à faire de l’Europe un leader mondial dans le domaine des batteries durables et performantes. Il représente une opportunité pour la filière française du recyclage, qui dispose d’un potentiel important pour valoriser les métaux contenus dans les batteries usagées. Il pose aussi des défis à la filière, qui devra augmenter ses capacités de traitement, améliorer ses procédés de recyclage et faire face à la concurrence internationale. Les pays membres, et en particulier la France qui joue un rôle important de part ses capacités de recyclage, devront rester vigilant quant à l’application des gardes fous pour protéger le marché européen des fournisseurs asiatiques et américains.

La filière devra donc se mobiliser et innover pour relever ces défis et contribuer à la transition écologique et industrielle de l’Europe. Le prix Nobel de Chimie 2019, le Japonais Akira Yoshino, a admis que la clé de l’avenir de la mobilité électrique et notamment afin de répondre à la demande, était de trouver comment recycler entièrement les batteries en précisant que l’industrie n’en était pas encore là.

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